Pedro
Reyes © 2005
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Le Mexique a toujours joué un rôle de premier ordre dans limaginaire de la modernité. Aux yeux de lOccident, il est lune des représentations de lAutre, de léternel exotique, du « différ-ent » par excellence. Lidée centrale de cette exposition est de réviser les modèles de lexotique, du tropical et du coloré en tant quattentes des étrangers par rapport à la « mexicanité », et donc de mettre au jour les voies étroites par lesquelles notre art peut accéder au mainstream. Le titre de cette exposition, América tropical, rend hommage à un mural peint en 1932 par David Alfaro Siqueiros à Los Angeles, aux Etats-Unis. Pour répondre aux attentes du commanditaire, qui voulait une oeuvre représentant l« Amérique tropicale », le célèbre muraliste recouvrit le mur dune végétation luxuriante, de ruines préhispaniques, et de tout ce qui pouvait correspondre aux attentes des touristes des pays développés un tropique torride et innocent. Il laissa néanmoins au centre de la fresque un espace blanc. La veille de linauguration, il travailla seul toute la nuit après avoir congédié ses compagnons. Une surprise les attendait : cet espace, il lavait destiné à limage dun indien crucifié et pris dans les serres dun aigle, symbole de limpérialisme yankee. Il introduisait de la sorte un élément critique au coeur même de la vision idyllique. L'intérêt ici, en plus de reprendre le contenu idéologique du mural de Siqueiros, est de repenser l'acte par lequel Siqueiros parvint à modifier in extremis la lecture de son oeuvre. Les artistes présents dans cette exposition jouent avec liconographie traditionnelle, qui tend à assimiler la création mexicaine à une sorte de fièvre tropicale. Chacune des pièces exhibées saccompagne dun effet de surprise, en ce quelles permettent au moins une double lecture. Pour ce qui est du côté esthétique, ces travaux séduisent par leurs couleurs et leur facture, lesquelles nous rappellent lartisanat mexicain si prisé par les étrangers. Pourtant, si notre choix sest porté sur ces artistes, cest précisément parce que, dune façon ou dune autre, ils sont parvenus à assimiler puis à dépasser cet héritage, de façon ouverte, voire inquiétante pour certains cas. Cette exposition rassemble ainsi des travaux critiques, mais pas dénués pour autant de beauté, de couleur, de sensualité, de tropiques et de surréalisme : un exotisme revisité. Itala Schmelz / Commissaire de lexposition |
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